2b. De Brazzaville à
Bangui sur le fleuve Oubangui
2.10.2. Brazzaville, porte du Tchad
2.10.2.1. Un voyage en
bateau sur le fleuve Oubangui
[Voyage en bateau: Les bateaux avec trop de tirant
d'eau - 5 mois par an - le fleuve Oubangui: 42km de
large - le bateau "Fondère" - but: Bangui de la
république de l'Afrique centrale - bateau "Lamy" - les
cabines pour les capitalistes et l'on a trop peu]
Carte de l’Afrique centrale avec la route
Brazzaville-Bangui [karte 06]
La Fondère a sifflé!
Neuf, conçu d'une façon toute moderne, ce superbe
navire
[bateau] peut prendre dans ses vastes aménagements une
quarantaine de passagers européens. Son pont supérieur
favorise d'agréables promenades, tandis que sur le pont
inférieur logent près de cinq cents passagers indigènes.
Dans les deux barges [bateaux plats], qui ne le quittent
pas, cinq cents tonnes de produits pourraient aisément
entrer, si la politique actuellement suivie au Congo
[français] n'avait malheureusement vidé le pays [la
population du bord du fleuve] de la plupart de ses
occupants [fuite ou déportation au travail forcé].
Cependant, si ces bateaux - car le Fondère a un frère un
peu moins beau, le William-Guynet - ont été construits
avec le souci évident d'offrir du bien-être aux passagers,
ils ne répondent nullement au trafic pour lequel ils ont
été créés.
Ils ont
trop de tirant d'eau! Et [le
fleuve] l'Oubangui, qui, entre la saison sèche et la
saison des pluies, présente au-dessus de l'étiage des
différences atteignant parfois neuf et dix mètres, ne leur
permet de
circuler que pendant cinq mois par an.
Ce qui est peu!
Le fleuve Oubangui [44] - Les
bateaux à vapeur "chrétiens" étaient un pilier du
pouvoir colonial pour l'esclavage + le meurtre de
masse - et les "chrétiens" ont installé un réseau
de villes avec des bastions militaires, tous pour
le pouvoir, pour l’esclavage et le meurtre de
masse - exemple Brazzaville 1920: bateau à vapeur
"Colonel Klobb" [30]
Donc, le [bateau]
Fondère a siflé! [p.223]
Partir est une chose merveilleuse. Bientôt, devant les
yeux ravis des voyageurs, le "pool", qui s'élargit
brusquement, accapare toute l'attention.
Soudain un étroit passage s'ouvre entre deux montagnes. Le
courant se fait âpre, les aubes des roues battent
furieusement l'eau. C'est le "chenal", puis le "pool" de
Bolobo,
superbe station belge située sur la rive gauche du fleuve,
et enfin l'embouchure de l'Oubangui, laquelle située à
huit cents kilomètres de la mer, n'a pas moins de
quarante-deux
kilomètres de large.
C'est le soir. Le soleil disparaît derrière les terres,
là-bas, bien loin vers la gauche. Les centaines d'îles
allongées qui, proues relevées vers l'amont, semblent des
navires refoulant l'eau rougeâtre, se laissent dépasser.
Les singes exécutent, sur les branches flexibles des
arbres, leur dernière culbute du jour. La lumière
s'opalise, au loin le ciel rejoint le fleuve, tandis que
sur la rive s'allument des lueurs de plus en plus
précises.
[Le changement du bateau]:
Un infect raffiot, le [bateau]
Lamy, semble
dormir auprès d'un village où, saluant la terre d'un
majestueux coup de sirène,
le Fondère accoste.
-- Tout le monde descend! crie le capitaine.
-- Comment!
Et les nouveaux, d'un air ahuri [étonné], de regardes
cette terre promise où se promènent quelque gamins
scrofuleux, tandis que des femmes, nues, vaquent à leurs
occupations journalières.
-- Ce n'est pas Bangui?
-- Mais non, fait un loustic, ce n'est que Bou... Bangui,
mais nous changeons de bateau. [p.224]
A la coupée [escalier de bateau] du [bateau]
Lamy
se trouve le capitaine. Il examine les titres de voyage
des passagers.
-- Les passagers payants à droite, crie-t-il.
D'un seul bloc, colons et commerçants, qui ont payé deux
mille cinq cents francs [2500] pour voyager en cabine,
s'écartent.
Ils attendent!
-- Messieurs les fonctionnaires, par ici, dit encore le
capitaine.
Les fonctionnaires avancent. D'un air important, l'un
d'eux tend son billet.
-- Passez, monsieur l'inspecteur, fait d'une voix
déférente [avec respect], en s'inclinant très bas, le
capitaine, qui lit attentivement les autres pièces qui lui
sont présentées.
-- Il y a sept cabines, donc quatorze places,
marmotte-t-il entre haut et bas... Un inspecteur,deux
administrateurs en chef, un capitaine, deux lieutenants,
huit administrateurs de première et seconde classe, ça
fait le compte.
-- Boy, conduit ces passagers à leur cabine.
-- Pardon, proteste avec énergie un jeune homme qui
s'avance, suivi de sa femme. Je suis touriste, j'ai payé à
Paris le prix de mon voyage. J'ai mon ticket de cabine.
J'exige...
-- Vous exigez quoi? fait narquoisement le capitaine. J'ai
des ordres. Les fonctionnaires ont la priorité.
Il
n'y a pas assez de cabines.
Et il écarte brusquement le couple.
-- Et moi, gémit au milieu d'un groupe resté à terre la
femme d'un adjoint des services civils qui rejoint son
mari à Zémio, où vais-je coucher avec mes deux enfants?
[p.225]
-- Sur le pont, madame... à moins que deux de ces
messieurs ne veuillent bien vous céder leurs places.
***
[Voyage en bateau: la ville de Dongou - vient un bateau
encore plus petit - la ville de Mongoumba - un car de 12
places - le reste dans une "case" pour la nuit - perdre
3 jours]
A
Dongou, trois jours après, le Lamy
stoppe.
Carte Brazzaville-Dongou-Mongoumba-Zinga-Bangui
[karte 07]
-- Nous n'allons pas plus loin, déclare le capitaine. Il
n'y a plus d'eau.
Le Klobb [?] attend. La scène de
Boubangui
se répète avec cette différence que le bateau n'a que
quatre couchettes en deux cabines et que seuls les hauts
fonctionnaires et officiers peuvent être logés. Le reste,
hommes, femmes et enfants dormiront empilés sur le pont.
Le matin à l'aube, les hommes iront à l'avant du bateau,
tandis que les femmes, demi-nues, feront leur toilette. Et
les femmes prendront la place des hommes. Après quoi, en
commun, on fera la dînette.
Enfin,
Mongoumba [ville frontière de la
Republique Centralafricaine]!
Mongoumba, le bâtiment du bureau de poste avec des
colons racistes blancs devant, 1930ca. [45]
Les passagers, harrassés, n'ont plus figure humaine. Ils
sont sales, les traits tirés. On descend. Un
car
est là.
-- Il n'y a de la place que pour douze personnes, déclare
le conducteur.
Par ordre hiérarchique encore: les douze fonctionnaires au
rang le plus élevé embarquent. Un coup de clakson. Dans
moins de trois heures ils seront à Bangui.
Les autres, les fonctionnaires s'entend, se partagent
entre eux, la seule
case de passagers que
la munificence [générosité] de l'administration met à leur
disposition. Elle a trois pièces. Dix-huit personnes
[p.226] s'y installent. Quant aux commerçants, aux
touristes et aux colons, nul ne s'en occupe. Il y a là des
cases indigènes...
Grande cabane / case en Afrique
centrale [46] - Minibus en Afrique dans les années
1930 [47]
Le lendemain, en deux voyages, le
car
emmène les fonctionnaires, les touristes et quelques
commerçants, les plus importants. Puis il revient le jour
suivant pour les colons, qui auront de ce fait
perdu
trois jours.
Mais les colons ne sont-ils pas habitués à camper?
***
[Un seuil du fleuve Oubangui - les basses eaux - les
cases]
On travaille aux rapides de "Zinga", un des seuils de la
rivière
Oubangui, qui atteint déjà, à seize
cents kilomètres [1600] de la mer, quelque quatre
kilomètres de large.
Carte: Rapides de Zinga [karte 08]
Tous les ans, à l'époque des
basses eaux,
on voit apparaître un capitaine de bateau fluvial, qui est
chargé de rendre la passe accessible aux navires. Comme
beaucoup d'employés du gouvernement, cet officier marinier
est engagé par contrat. La première année il s'est occupé
lui-même, à Bordeaux, de ses explosifs.
Pour être assuré de ne pas voir ses détonateurs égarés en
cours de route, l les a mis dans une caissette, qu'il a
déposée dans sa propre cabine. Arrivé à [la ville de]
Pointe-Noire, alors qu'il s'apprêtait, comme tous les
voyageurs, à continuer vers Matadi, on lui fit justement
remarquer que le gouvernement belge verrait d'un mauvais
oeil [p.227] entrer sur son territoire une pareille
quantité de dynamite, et qu'il valait mieux la débarquer à
Pointe-Noire.
-- Vous la retrouverez en arrivant à Brazzaville, lui
indiqua-t-on.
Quand il eut accompli son périple de quelque mille
kilomètres, qu'il fut arrivé à Brazzaville et qu'il y eût
attendu près d'un mois, pour satisfaire à toutes les
formalités tracassières de l'A.E.F., il ne vit pas pour
cela arriver ses colis.
-- Nous sommes avertis de leur départ, lui affirma
l'administration. Partez sans crainte. Ils suivront par le
plus prochain bateau. Ce léger retard vous permettra
d'engager, en le choisissant mieux que vous ne l'auriez pu
faire autrement, tout le personnel qui vous sera
nécessaire.
L'officier partit, engagea trois cents noirs, les paya de
ses propres deniers, fit commencer des cases et attendit.
Un an après il n'avait pas encore revu son chargement...
[p.228] [...]
Il revint ainsi pendant trois, quatre,
cinq ans de suite. Le "seuil de Zinga" resta tout aussi
[p.229] inabordable, non point par l'incompétence du
fonctionnaire, mais par la médiocrité des moyens mis à
sa disposition. Les bateaux ne passèrent pas plus
qu'auparavant. Ils ne passeront jamais, car on vient
d'abandonner les travaux pour établir, sur cinq
kilomètres seulement, une route contournant les rapides.
C'est peut-être par là que l'on aurait dû commencer.
[p.229]
Zinga
https://fr.wikipedia.org/wiki/Zinga
Zinga est une localité du sud-ouest
de la République
centrafricaine, située dans la commune
de Mongoumba.
Située sur la rive droite de l’Oubangui, en amont de
l’embouchure de la Lobaye,
le port permet d’accoster aux embarcations
qui ne peuvent franchir le seuil de Zinga.
Les vestiges du train et des installations qui
permettait au début de XXe siècle,
aux marchandises de franchir les rapides en
période d’étiage sont sur la liste indicative
en vue d’une inscription au patrimoine mondial
de l’Unesco1.
Au poste transit de Zinga, vers 1900.
Les cabanes du poste de transit de Zinga,
vers 1900 [48]
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